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Migrant... pas seulement

Cheik

26 ans

« Je suis né au Sénégal, à Dakar mais j'ai grandi à Bangui en Centrafrique, je n'ai jamais connu mes vrais parents. J'ai été élevé par des parents adoptifs qui étaient commerçants. Ils vendaient du poisson fumé et voyageaient régulièrement entre Dakar et Bangui. J'ai appris la vérité plus tard par le biais de diverses personnes. Mes parents adoptifs m'ont élevé comme leur propre fils d’ailleurs j’étais leur unique enfant. Je les accompagnais habituellement lors de ces voyages du moins jusqu'à mes 20 ans. Nous traversions tous les pays côtiers de la région d’Afrique de l'Ouest et notamment la Côte d'Ivoire que je connais très bien ».

« A mes 21 ans ils sont décédés dans un accident de la route sur le trajet du retour de Saint Louis (Sénégal) ».

PROJET DE DEPART : Janvier 2011

« A leur mort, j'ai continué à vivre avec la mère de mon défunt père adoptif et comme beaucoup de jeunes j'avais des difficultés pour trouver du travail. Comme beaucoup d'entre nous je souhaitais fonder une famille et pour cela il me fallait un emploi. Malgré cette situation, je n'avais jamais envisagé de partir pour l'Europe même si c'est vrai qu'à la mort de mes parents plus rien ne me retenait vraiment je ne ressentais aucun sentiment d'appartenance, je n'avais aucune attache. »

« En fait, cette idée de partir pour l'Europe est née lors d'une discussion. C’était un jour comme les autres alors que nous prenions le thé avec des amis que l'un d'entre eux aborda le sujet, la facilité de s'y rendre et de trouver du travail. Il nous expliqua qu'il suffisait d'acheter un billet pour Tripoli en Libye (prix moyen : 150 000 Fcfa) et qu'ensuite ce n’était pas plus compliqué. Selon lui lorsque tu sortais de l’aéroport, tu trouvais très facilement les gens qui prennent les pirogues ou bien les « passeurs » eux-mêmes, il suffisait de suivre le mouvement. Bien sûr on entendait aux infos qu'il y avait des accidents mais aussi que beaucoup arrivaient à traverser. »

« En réalité je pense qu'il n'y a rien à faire pour te dissuader de tenter ta chance, tu penses que ça n'arrive qu'aux autres. Et puis tu penses que ça vaut le coût, tu t'imagines qu'en arrivant en Europe tu n'auras plus qu'à te baisser pour ramasser l'argent. J'y ai donc réfléchi et je me suis dit pourquoi pas. Avec le temps, j'ai fini par trouver un moyen de gagner un peu d'argent en revendant des cartes mémoire. J'ai travaillé comme ça pendant un an pour réunir la somme nécessaire. Je partais m’approvisionner en Mauritanie car la marchandise est moins chère là-bas. Lorsque j'ai eu fini de tout réunir j'ai fait le change en euro avant le départ. J'avais caché l'argent dans des pochettes en plastique placées dans mes sous vêtements. Pour mes bagages c’était rapide, juste un sac à dos avec un change. »

« Tu sais la plupart des migrants sont des villageois, beaucoup viennent des terres et n'ont jamais vu la mer de leur vie. Ils ne savent pas ce qui les attend. Peu savent nager. Beaucoup sont démunis et n'ont même pas la somme pour la traversée. Mais c'est vrai que lorsqu'on voit le très grand nombre de participants ça rassure, on prend confiance, c'est l'effet de groupe. On connaît tous quelqu'un qui est parti en Europe, qui y vit. »

« Je pensais comme beaucoup trouver de meilleures opportunités pour m'accomplir, on se dit que lorsqu'on arrivera, comme la situation est meilleure, ce sera plus facile que chez nous. On pense arriver à trouver un emploi facilement même si on ne sait pas trop comment. En réalité on ne s'attarde pas trop sur la question, d'autres ont réussi pourquoi pas nous. On se nourrit d'espoirs. » « L’Europe c'est mieux, c'est une idée avérée que l'on ne remet pas en question, on ne s'imagine pas une seule seconde que ce peut être comme ça… Si c’était à refaire, je ne le referais pas. Ça n'en valait pas la peine. »

VOYAGE : Mai 2013

Cheik a donc embarqué dans un avion à Dakar pour Tripoli, il lui aura fallu 7h de voyage, escales comprises, pour rejoindre ce pays très différent de tout ce qu'il avait connu jusqu'à présent. Et n'oublions pas que le cas de Cheik est assez exceptionnel car dans la grande majorité des cas, les migrants n'ont jamais quitté leur territoire, leur ville ou leur village. Ils arrivent alors dans des pays dont ils ignorent les coutumes, la géographie, la situation, la langue. Cheik, lui, est musulman, il a reçu une éducation musulmane il comprend un peu l'arabe.

4 jours en Libye

« Le premier jour à la sortie de l’aéroport j’aperçois trois personnes avec des sacs à dos qui négociaient avec un taxi. En voyant leur attitude et leurs bagages je savais qu'ils étaient ici pour la même raison que moi. C’étaient des Ivoiriens, instinctivement je les ai rejoints : on a directement abordé le sujet de la traversée. Ils disaient qu'ils avaient un plan. J'ai donc décidé de les rejoindre. Seulement, en route, je me suis aperçu que leur plan était mauvais. Ils s'imaginaient aller à Tripoli et prendre le ferry direction l’Italie. Je savais bien que ça n’était pas possible, je me suis donc séparé du groupe lorsque que nous avons fait halte à Leptis Magna. »

« Je suis entré dans un petit restaurant afin de me restaurer. Dans le restaurant j'ai aperçu un groupe d'africain que j'ai rejoint, nous avons mangé ensemble, c'est là que j'ai appris qu'ils partaient passer la nuit dans une maison abandonnée. A la fin du repas, nous avons quitté le restaurant par petits groupes car c’était plus sûr de rester ensemble. À environ 30 minutes de marche seulement nous avons atteint la maison qui était abandonnée et portait les stigmates de la guerre. Il y avait beaucoup de maisons voisines, nous étions épiés. Il y avait beaucoup de migrants bloqués ici depuis longtemps car on leur avait volé leur argent, ils étaient obligés de travailler sur place comme maçon pour tenter de réunir la somme nécessaire pour la traversée. »

« Le soir du 3ème jour, un africain vient et nous informe que des pirogues vont partir le lendemain matin, nous avons donc tous rassemblé nos affaires et avons quitté la maison. Il y avait même des gens sans bagages. Les plus nombreux étaient les Indiens. Il nous aura fallu une petite demi-heure pour rejoindre la plage : le lieu de l'embarcation. »

La traversée

« Nous sommes arrivés sur la plage dans la précipitation, tout le monde était nerveux, excité… Nous étions une centaine. Nous avons tout de suite vu les trois pirogues. En face, il y avait les passeurs malgré la foule tout s'est passé très vite, chacun attendait son tour pour pouvoir monter, le prix n’était pas fixe, environ 800 euros. Certains payaient plus, d'autres moins, pas de change ni de négociation, j'avais l'impression que cela dépendait de la personne. Avant de monter ils nous ont fait abandonner nos affaires sur la plage et il nous ont donné un sandwich et une bouteille d'eau. Au début quand tu trouves une place, tu es soulagé et tu te dis : « enfin je pars pour l’Europe ! ». On pense que le plus dur est passé ».

« Lorsque toutes les pirogues furent remplies, en début d'après midi, nous avons pris la mer. Durée de la traversée : 18 heures. Dans chaque pirogue se trouvaient deux passeurs, un devant pour observer et un derrière pour conduire. »

« Durant plusieurs heures rien ne s'est passé. C'est dans la nuit que tout s'est compliqué et l'anxiété m'a gagné. Personne ne parlait. Sur toute la traversée nous avons croisé plein de petites pirogues sans moteur, juste avec des rames... C'était la tempête. A un moment, un homme qui se trouvait devant dans l'embarcation nous a dit qu'il y avait un problème avec la première pirogue. Je ne voyais rien, j’étais mal placé. Apparemment quelqu'un était mort. Effectivement, plus tard, ils ont commencé à jeter des corps dans l'eau. Nos passeurs nous ont alors dit de faire la même chose si une personne venait à mourir afin de soulager le poids de l'embarcation. À ce moment j'ai vraiment senti la peur, nous étions bloqués au milieu d'une mer tumultueuse, il n'y avait aucun moyen de partir. Le silence était complet sur la pirogue, même s'il faisait nuit je pouvais sentir l'angoisse chez les autres, plus personne ne parlait… En plus tu penses beaucoup et tu te dis que peu de gens savent nager, les mouvements du bateau ne rassurent pas. Il faisait froid je me souviens à quel point c’était difficile. Je me souviens aussi de m'être demandé si les passeurs savaient où ils allaient, ils n'avaient pas l'air à l'aise, semblaient peu expérimentés. La situation était très tendue. »

« C'est grâce au projecteur tenu par le passeur installé à l'avant de l'embarcation qu'un de nous a vu la première pirogue se retourner, il s'est écrié... Les personnes ont commencé à paniquer, ceux dans l'eau hurlaient et désespérément tentaient de s'accrocher à la deuxième pirogue, celle qui nous devançait. Le bateau tenta désespérément d’éviter les corps affolés qui s'agrippaient mais il finit par se retourner à son tour. L’hélice du bateau tournait toujours lorsqu'elle est retombée… sur une femme. Cela je ne peux pas l'expliquer mais cette image reste gravée dans ma mémoire.

Dans notre pirogue les gens criaient, d'autres pleuraient, moi je récitais quelques sourates du Coran.

Notre pirogue est parvenue à passer, nos passeurs ont soigneusement maintenu notre embarcation à l’écart. Ils nous ont sauvés la vie. »

«J'ai l'impression que je ne trouverais jamais pire que ça, c'est comme si depuis cette nuit, on avait retiré la peur en moi. »

« Nous sommes arrivés au petit matin sur une plage de Lampedusa. Nous étions rassurés d’être arrivés, c'est comme si je respirais de nouveau, comme si je me réveillais mais différent. »

L’Italie

« J’étais ignorant, je ne savais pas à qui ni où m'adresser, je ne parlais pas l'italien. Moi et une autre personne avons passé 3 jours dans une cabine de plage, puis j'ai suivi des arabes qui allaient en France. On ne se comprenait pas. On a pris un bus et le ferry que nous avons payé, puis le train gratuitement jusqu'à Vintimille. Quand les contrôleurs voyaient qu'on ne parlait pas anglais ni italien ils n'insistaient pas, ils nous laissaient. Nous sommes arrivés comme ça jusqu'à Nice, nous nous sommes séparés pour la nuit. Tout était fermé, j'ai quand même réussi à dormir dans un jardin public. Le lendemain matin très tôt, je suis retourné à la gare et j'ai retrouvé le groupe d'arabes de la veille, nous avons pris un train pour Toulouse. »

La France

« Je pensais descendre à Marseille, car c'est une ville célèbre, mais je ne l'ai pas fait. J’étais dans le train, en sécurité, je pouvais dormir. »

« Pourquoi Toulouse ? Parce que c’était le terminus du train, ça n’était pas un véritable choix. J’étais perdu, je ne savais pas quoi faire. Je suis arrivé à Toulouse le 1er juin. Je n'avais presque plus d'argent mais en sortant j'ai mis le pied sur deux billets de 10 euros, bien pliés comme si c’était un cadeau. C'est ce qui m'a permis de tenir un peu. J'ai d’abord pris un café dans un petit commerce près de la gare, j'ai ensuite demandé au commerçant deux, trois cigarettes à me dépanner. Ensuite j'ai marché longtemps jusqu'à arriver au bord de la Garonne. Je me suis assis sur un banc et j'y suis resté 6 jours. »

« Je restais là, exténué, abattu par la fatigue, je revoyais sans arrêt les mêmes images. Une fois je me souviens, je demandais une cigarette à quelqu'un et je me suis aperçu que j'étais toujours là-bas. L'homme me parlait mais je ne l'entendais pas vraiment. Mentalement je dormais mais mes yeux ne se fermaient jamais. La nuit il y avait des rats et d'autres animaux qui traînaient, des gens aussi qui venaient boire ou fumer, d'autres qui cherchaient un endroit pour dormir comme moi. »

« Le 6ème jour vers midi un homme s'est approché et m'a demandé du feu, je l'avais déjà vu et en discutant il m'a expliqué que je n’étais pas obligé de dormir dehors, il m'a parlé du 115. Ensuite c'est la période des foyers qui a commencé, toute votre vie tourne autour de ce numéro car on ne peut pas y rester longtemps, on passe une nuit et après on doit partir. Il m'est arrivé d'attendre plus de 3 heures dans une cabine téléphonique car on m'avait dit que les foyers étaient pleins et de tenter de nouveau au cas où une place se libérerait. »

« Ma situation a commencé à changer quand un soir dans un foyer que j'avais déjà fréquenté, je suis tombé de ma chaise. Je ne me souviens plus. À ce moment, les personnes qui étaient en charge du lieu ont commencé à s'inquiéter, des gens se sont intéressés à mon histoire puis ils m'ont mis en relation avec une psychologue. Après, j'ai eu la chance de rencontrer un prêtre qui m'a aidé personnellement, il m'a offert un toit. Aujourd'hui j'ai ma propre chambre aménagée dans un bâtiment associatif depuis deux ans. C'est temporaire, le temps de régulariser ma situation. »

Le centre de rétention de Cornebarrieu

« L'année dernière un voisin m'a proposé de travailler avec lui. Bien entendu j'ai accepté je pouvais enfin me sentir utile et presque indépendant. Nous faisions des chantiers pour des particuliers, rénovation de bâtiment. Ça ne se passait pas trop mal même si c’était du travail non déclaré. Mais je ne savais pas que ce voisin était surveillé par la police pour des trafics qu'il faisait. Un jour alors que nous nous rendions à un chantier, nous nous sommes fait contrôler et n'ayant pas de papiers la police m'a arrêté. Ils m’ont conduit au centre de rétention de Cornebarrieu où j'ai d’abord été entendu. C'est un lieu très dur, on nous parle mal, comme à des chiens. Lors du procès verbal, j'ai fait une crise. Ils me posaient des questions sur ma traversée, comment j’étais arrivé ici ? Avec qui ? Par où j’étais passé ? Je les priais de changer de sujet mais ils ont continué. D'après ce qu'ils m'ont dit ensuite je me suis levé et j'ai tapé partout. Je ne me souviens de rien. Ce sont eux qui m'ont raconté. J'ai ensuite compris que c’était mon voisin qui les intéressait. Ils n'en avaient pas après moi mais comme je n'avais pas de papiers je suis resté enfermé un peu plus d'un mois, 38 jours exactement. »

« Cette expérience m'a traumatisé, je compare souvent ce centre à une cage de perroquet, il y a du grillage partout même au-dessus de nos têtes. Les surveillants sont là mais évitent de nous parler et lorsqu'ils nous parlent ça n'est jamais correctement. Je n'ai pas été insulté ou violenté mais ce qui fait mal c'est cette manière dont on nous traite, comme si nous n'avions pas le droit d’être respecté comme n'importe quel individu. Certains gardiens nous montraient clairement que nous n’étions pas les bienvenus. »

« On est juste à côté de la piste, on entend et on voit les avions décoller et atterrir. Le bruit rend fou. Deux hommes qui venaient de prison nous ont dit qu'ici c’était pire, ils ont tout fait pour être transféré. »

« Heureusement pour moi, un de mes voisins venait régulièrement me rendre visite et m'apportait des gâteaux, un peu d'argent pour acheter des cigarettes… ça m'a beaucoup aidé, je pouvais au moins parler à quelqu'un. »

« Tu sais il y avait rien à faire là-bas, entre détenus on ne se parlait pas beaucoup mais au moins on se respectait. Chacun reste là avec sa tristesse et ses problèmes à attendre de pouvoir être relâché… »

« Une nuit je me souviens, j'avais fait une autre crise, la personne qui partageait la chambre avec moi a couru vers l'interphone mais jamais personne n'est venu. Par contre ils rentraient souvent dans nos chambre pour fouiller nos affaires, comme si nous étions des criminels. »

« Ce qui m'attriste aussi dans cette histoire, c'est ce qui s'est passé avec la personne pour qui j'ai travaillé. Il n'est jamais venu me rendre visite et jusqu'à aujourd'hui il ne m'a toujours pas payé. Je me souviens de sa réponse lorsque je lui ai demandé mon dû… un clandestin n'a aucun pouvoir, je ne te dois rien du tout. Et quand je regarde ce qui se passe, il semble qu'il ait raison. »

AUJOURD'HUI

« Je retourne de temps en temps dans des lieux comme le kebab près de la gare où je parle au gérant qui m'avait donné des cigarettes, je retourne aussi au banc public où j'ai vécu dans le parc …

Ça me fait du bien. Je ressens comme de l'apaisement, un sentiment de paix, je fais un point sur moi et je vois tout le chemin que j'ai parcouru. Ça me fait relativiser et apprécier, malgré tout, ce que j'ai aujourd'hui. Ça me donne le courage de continuer à me battre pour exister et vivre. Des fois quand je ne me sens pas bien, j'y vais la nuit. »

« Aujourd'hui au vu de ma situation il m'arrive de regretter parce qu’au Sénégal au moins je ne dépendais de personne et j'arrivais tout de même à gagner un peu d'argent. Certes, ça n’était pas la grande vie mais si j'avais poursuivi, l'argent récolté m'aurait permis de démarrer une activité, m'acheter une voiture pour faire le taxi. »

« Je sors peu, mais ça n'est pas à cause de mon expérience, j'ai toujours été casanier, et puis aujourd'hui je n'ai pas les mêmes intérêts que les gens de mon âge. Beaucoup de jeunes de mon quartier tentent de me connaître mais ça ne m’intéresse pas. Certains ont des attitudes, des manières et des activités qui ne me plaisent pas. Même si avec certains nous partageons la même couleur ce n'est pas pour autant que nous partageons les mêmes valeurs. Aussi du fait que ma situation soit délicate, je réfléchis à deux fois avant de côtoyer qui que ce soit. Je fais attention à mes fréquentations. »

« J'ai tout de même peur du futur, peur de stagner, peur de rester à ne rien faire, d'être assisté. Je veux construire ma vie, travailler et devenir quelqu'un. »

« Ici ça me plaît quand même, c'est l'aboutissement de mon voyage, ce pour quoi j'ai souffert, je ne me vois pas revenir au Sénégal, maintenant que j'ai traversé tous ça. J'aurais l'impression de revenir sur mes pas. Ça fait maintenant deux ans que je suis ici. J'aurais bientôt mes papiers donc mon avenir est ici. »

« Quand je regarde la télé, je trouve que les informations sur le sujet sont mal faites, c'est partiellement vrai. »

« Je ne me sens pas étranger, c'est peut-être que parce que depuis que je suis ici on m'a aidé, je suis bien entouré. Je suis tombé sur les bonnes personnes. Maintenant j'en ai conscience surtout quand je vois les conditions dans lesquelles vivent certains migrants. Je suis très reconnaissant, je ne veux pas oublier. »

Cette année, au festival des drames, favori au box office des crises humanitaires : ...

Nos grandes sociétés, créatrices de modes en tous genres et manipulatrices d'émotions, sortaient il y a de cela deux mois, leur toute nouvelle attraction à forte sensation pour répondre au besoin d'humanisme annuel des individus qui les composent. L'information est aussi un bien qui se consomme au même titre que les spectacles, les films ou les séries. Elle crée de l'émotion et fait surtout passer le temps. Or l’émotion est une ressource inestimable dans les sociétés qui manquent de solidarité et d'optimisme. Pour comprendre l'ampleur de ce phénomène regardons un peu le programme des sorties « culturelles » déterminé selon un schéma catégorisé de manière à satisfaire tous les goûts : blockbuster, films comiques, films catastrophe, indépendants ou étrangers, sans oublier toutes les séries qui suivent la même logique, spectacles musicaux pour enfants, pour adultes, débats, concours, jeux, émissions de télé réalité... Cela manque cependant d'une bonne dose de réalisme, c'est pourquoi il y a le concours du fameux drame annuel, celui qui va nous offrir le moyen de nous réunir pour pleurer, frémir ensemble, partager des émotions fortes et casser temporairement la froideur de notre quotidien.

10 septembre 2015

Cela fait des années que ces personnes meurent et on attend de voir la photo d'un enfant noyé sur une plage pour ressentir de la compassion et voir apparaître une raison suffisante de se mobiliser quelques minutes dans la semaine, en participant à une marche, en postant des vidéos sur les réseaux sociaux ou en faisant un don de quelques euros à un organisme humanitaire qui s'affiche en haut de la première page internet. A moins que ce ne soit la fameuse goutte d'eau qui fait déborder le vase, autant dire que ce vase à une capacité étonnamment grande. Ou bien c'est peut-être aussi une manière de dire à nos gouvernants que nous ne sommes pas d’accord, que nous en avons marre et que cette situation doit s’arrêter. Peut-être aussi que ce qui nous fait chier, c'est tout simplement d’être harcelés par des images et des discours qui nous rappellent, de manière désagréable, que la poursuite d'une vie bien rangée, d'un bonheur imperturbable et constant, ainsi que du confort matériel qui va avec, n'a pas de sens dans un monde régi par des lois qui transcendent nos caprices. Un monde qui révèle plus de désordre, d'inégalité, de dureté et parfois même de sauvagerie et dans lequel agir quotidiennement est une nécessité.

Je dois admettre que je suis moyennement surpris par cet élan de sympathie « spontanée » venant de la population, et encore moins venant de certains artistes opportunistes qui se mobilisent actuellement, qui signent des pétitions, réagissent publiquement et lancent des appels sur internet notamment en exprimant leurs opinions sur les violences que ces gens subissent. Des messages pleins de franchise et d'humanité, de dénonciation chevaleresque, qui révèlent le mécontentement et le dégoût de leurs auteurs qui pour l'occasion se permettent quelques petits écarts de forme (même si ça n'est pas très subtile c'est pas grave c'est le cœur des bons qui s'exprime, pardonnons leur). Malheureusement, si la bêtise excusait la bêtise, le monde serait depuis longtemps, bien meilleur et plus facile à vivre. Lorsqu'on choisit de prendre part à un combat et qu'on se place immédiatement dans le camp des sympathisants de l'amour et de la paix c'est tout de suite très valorisant et cela devient jubilatoire quand on est sûr de gagner ce combat. Il n'y a là rien de bien original et encore moins de courageux, surtout lorsque tous les projecteurs sont braqués sur ce sujet si facile à manipuler.

La question qui me vient subitement est : pourquoi ne pas avoir agi plus tôt ? Peut-être parce qu'il n'y avait pas suffisamment de caméra et de lumière car comme tout le monde sait, l'artiste opportuniste, sans lumière ni camera n'est rien. Bien agir à l'endroit où l'on peut être vu, quelle aubaine. Pourquoi le faire autrement si l'on ne peut pas en tirer profit pour son image ? C'est vrai, si personne n'apprend que vous faites quelque chose de bien, à quoi cela sert-il de le faire ?

Si ces mouvements de sympathie et d'indignation étaient partis de ces artistes dès le début de cette crise, cela aurait eu une toute autre signification. Pourquoi ? Car ils ont la capacité de mobiliser l'opinion publique, davantage qu'un citoyen « lambda ». Ce sont de véritables catalyseurs et les sommes que certains d'entre eux gagnent ne peuvent se justifier uniquement par la grandeur de leur talent, ils gagnent en popularité et donc en influence, ils deviennent des personnalités publiques, écoutées, respectées et reconnues. Leurs paroles ont du poids, ils devraient donc aussi prendre les responsabilités qui vont avec cette fonction particulière.

Ces hommes, femmes et enfants sont des martyrs, victimes de la guerre et du capitalisme, les deux grands méchants loups sur qui nous rejetons toutes les fautes et contre lesquels personne ne peut jamais rien. La belle affaire on déballe le tapis rouge aujourd'hui à ceux que l'on fuyait comme la peste pas plus tard qu'hier. Qui sait peut-être qu'on pourra vendre des tee-shirts et d'autres produits dérivés de ce moment historique, histoire de redorer notre blason tout en « reboostant » la croissance. Car les migrants qui prennent leur envol dans la misère et/ou la précipitation, ne finissent pas de « migrer » lorsqu'ils ont atteint l’Europe. Comme n'importe quel être humain, ils recherchent perpétuellement à améliorer leur bien-être et celui de leurs proches. Ainsi on oublie qu'en dehors de la télévision où ils apparaissent essentiellement sur des plages ou dans des camps, ce sont eux aussi que l'on retrouve à nettoyer nos pare-brises lorsqu'on attend au feu ; eux qui font la manche devant les magasins quand on se balade main dans la main le samedi (ou le dimanche) ; eux qui « polluent » nos rues ou encore eux qui ramassent nos déchets pour les valoriser ; eux qui finalement participent, dans leur situation précaire, à construire nos bonheurs low-cost.

Il n'est pas suffisant « d’accueillir ». Dans un an on continuera de parler de l'immigration, de l'intégration et finalement tous les débats sur la différence referont surface. Le phénomène de migration auquel l'Europe est confronté depuis maintenant de nombreuses années est complexe, d’abord dans la multitude de formes qu'il revêt mais aussi parce qu’il soulève, pour nos propres sociétés, des questions fondamentales d'ordre juridiques et éthiques. C'est donc l'exagération de la situation, soutenue par une hypocrisie généralisée, qui continue de faire régresser les mentalités et d'alimenter les clichés. Tout cela parce que ce sujet n'est pas traité convenablement, c'est-à-dire publiquement décortiqué et débattu par des experts et des intellectuels de tous horizons.

Le phénomène est constitué de plusieurs tangentes que nous pouvons distinguer les unes des autres par la motivation initiale des personnes, la raison de leurs départs. Même s'il est difficile de quantifier des groupes sur ce critère, les réfugiés syriens semblent ne représenter qu'une faible partie du phénomène global. Monopoliser le débat sur la prise en charge de quelques centaines de milliers d'individus forcés de quitter leur pays à cause de la guerre, est donc réducteur, n'apporte aucun éclairage sur le reste du problème et encore moins de réponse. Rappelons que la migration est un phénomène naturel qui est loin d’être l'apanage des oiseaux, on ne peut pas l'enrayer, il est même à un certain point élémentaire pour l'équilibre de l'ensemble des sociétés de notre planète. Confondre des déplacés climatiques et des migrants économiques ou des réfugiés politiques et des réfugiés de guerre est un piège qui dévalue la situation.

Il est essentiel de faire la distinction entre tous ces groupes si l'on veut comprendre, et tenter de maîtriser, encadrer et organiser convenablement le phénomène. Mais aussi afin de sécuriser la vie de ces personnes et combattre les effets pervers de l'inaction au profit des organisations mafieuses qui, elles, trouvent des solutions pour répondre aux demandes tout en capitalisant sur cette crise. Si nous voulons que les décisions politiques prisent dans un avenir proche puissent répondre convenablement à la situation à laquelle fait face, non pas seulement l'Europe, mais l'Occident tout entier (et dans une vision plus large : l'Humanité), il est primordiale que chaque citoyen européen soit en mesure de comprendre ce phénomène en détail.

Une réponse générale ne ferait qu'accentuer le problème.

L'histoire de Cheik illustre bien la diversité des cas qui compose ce phénomène. Et lorsqu'on voit la situation dans laquelle il se trouve aujourd'hui, les risques qu'il a dû prendre pour venir finalement « s’échouer » en Europe, on est en droit de se demander si tout cela était justifié ? N'aurait-il pas été plus simple d'y entrer comme visiteur afin de juger personnellement des réelles opportunités qu'offrent nos pays ? Encore aurait-il fallu qu'il dispose des mêmes droits de circulation que nous : touristes ou expatriés.

Le débat public doit être en mesure d'aborder l'ensemble du problème en dépassant la seule question des « réfugiés » car pour le moment, nous devons nous contenter de deux expressions grossières : soit ces personnes sont des misérables qui risquent de nous contaminer de leur maladies, leur pauvreté, leurs odeurs et leurs coutumes régressives ; soit ce sont des victimes qu'il faut chérir, éternellement traumatisées à qui il faut mâcher la nourriture avant de leur donner. Ça ne peut pas être tout simplement des individus à qui on donne des opportunités de s'accomplir dignement.

Combien disposons-nous de secteurs d'activités qui se meurent, de zones qui se vident, de services qui n'attirent pas ou plus les grands individualistes distingués et égocentriques que nous sommes devenus mais qui pourtant sont essentiels au fonctionnement de nos sociétés modernes. C'est d’être utile que ces gens auront besoin à l'avenir pour gagner une véritable place respectée de tous et non pas de la pitié jetée comme des miettes à des pigeons. La pitié ne sert que les personnes qui en font preuve, c'est une fausse sympathie, une réaction naïve qui donne un sentiment de supériorité qu'on se refuse à admettre. N'est-ce-pas la représentation que nous nous faisons des autres qui guide nos attitudes et nos rapports avec eux ?

Au lieu de mobiliser sporadiquement les bonnes âmes, il conviendrait plutôt que chaque citoyen joue le rôle qui lui incombe en arrêtant de penser que les gouvernements doivent être les seuls acteurs en mesure de régler, comprendre et penser tous les maux de la société.

En commençant, pourquoi pas, par rejoindre des associations locales en tant que bénévoles. Car c'est davantage les effectifs que les moyens financiers qui manquent le plus à ces petits organismes, isolés pour la plupart, qui font un travail remarquable en accompagnant toutes ces personnes jusqu'à une véritable sortie de crise. Ces professionnels de la question le savent, le plus dur ce n'est pas d’accueillir mais de soutenir et d'accompagner. Et c'est là que ça coince. Où en sera cette vague de sympathie dans deux mois lorsque les associations auront besoin de bénévoles pour leurs actions ? Lorsque le prochain film grand public sortira sur nos écrans ? Lorsque la crise aura encore frappé près de chez nous au point où nous ne pourrons plus payer l'assurance vie de nos animaux domestiques ? Où nous devrons peut-être réapprendre à coudre nos boutons nous-mêmes ?

Faire un peu régulièrement, voilà qui serait un bon début car payer nos impôts ne nous exempt pas d'agir activement pour le bien commun.

Enfin, impossible de traiter cette problématique sans parler des médias et des politiques qui sont les deux organes complémentaires et révélateurs majeurs de la qualité de nos démocraties et qui sont à la tête de l'outil républicain. Depuis très longtemps déjà, ces organes ont un large aperçu de la situation car ils bénéficient de moyens considérables d'observation, tels que des comptes rendus détaillés et chiffrés d'experts et de conseillers, et d'élaboration d'une vraie stratégie, notamment dans des cas de crise d'une telle ampleur. Pourtant on peut voir se succéder régulièrement sur nos écrans, des reportages et des interventions traitant du phénomène niaisement comparé à une marée, un tsunami migratoire, une invasion incontrôlable de misère où pour préserver les biens et les avantages de notre grande et belle civilisation, nous n’aurions d'autres alternatives que d'ériger des remparts à la place de nos frontières. Comble de l'ironie, c'est cette même civilisation qui pour parvenir à être ce qu'elle est devenue aujourd'hui, a eu à détruire des murs par le passé, prêchant fièrement l'hospitalité et le rapprochement entre les peuples. « Enfin gardez quand même vos distances ».

« Ouais mais bon, c’était une autre époque », « Aujourd'hui le problème est complètement différent », « Ne comparons pas ce qui n'est pas comparable ». Et oui car aujourd'hui nous régulons, c'est plus correct et distingué. Mais qu'advient-il des personnes qui ne passent pas les contrôles ? Celles qui n'entrent pas dans les cases et qui pourtant se sont ruinées pour arriver jusqu'à nos barrières, S'évaporent-elles poétiquement dans l’atmosphère ? Quand elles ne se diluent pas tout bonnement dans l'océan.

Cette posture « subtile » qui consiste donc à laisser la misère s’agglutiner à l'ombre de cette réalité que le tiers monde nous envie, a bien entendu favorisé les réactions populistes qui ont conduit à forger un climat d’insécurité, et finalement, à aggraver la situation de manière significative. En semant le doute quant à nos réelles capacités d'actions et nos véritables devoirs envers ces « étrangers » alors que bien évidement nous nous devons de les aider, non pas nécessairement en les accueillant tous mais au moins en les sécurisant, pas seulement par bonté d'âme, mais aussi pour préserver la stabilité fragile du monde sur lequel nous trônons. Un monde certes loin d'être parfait mais qui permet, tout de même à beaucoup d'entre nous, d'envisager un avenir suffisamment éloigné de certaines horreurs. Que nous le voulions ou non, nos lois n’empêchent pas le monde de tourner et la réalité des autres finit immanquablement par nous affecter. Et ce n'est pas en nous cachant derrière nos frontières que les problèmes disparaîtront d'eux-mêmes. Nous ne sommes pas face à une vague de grippe qui s'estompera à la venue de la prochaine saison.

Le devoir du wagon de tête républicain n'est pas seulement de révéler l'information mais aussi de la synthétiser et de l'organiser, la divulguer de manière raisonnée afin de cultiver le public et de le préparer à comprendre correctement les actions et les enjeux futurs. Des actions, ne l'oublions pas, toujours guidées par les droits universels de l'homme que nous sommes supposés défendre ainsi que des valeurs humanistes, héritages d'une histoire riche de souffrance et d'enseignement. Nos états sont censés être les garants de ces valeurs et nous ne pouvons pas les ignorer lorsque cela nous arrange. Elles sont la raison de vivre de ce qu'on appelle le progrès et l'identité même de notre civilisation. Sous prétexte que nos sociétés sont actuellement prises dans la tourmente effroyable de la crise, qu'il y a d'autres priorités et que nos pays ne sont pas en mesure de résoudre tous les problèmes du monde, nous serions exemptés d'agir avec humanité ? Ne serait-ce qu'en améliorant simplement le quotidien de ces personnes en leur assurant un minimum de sécurité et de confort ?

A cela on peut entendre répondre : « Ne soyons pas naïf », « Restons lucides, faisons preuve de pragmatisme ! », « nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde ». Ou bien : « Les temps sont durs pour l'Europe, pensons à notre bien être avant de penser à celui des étrangers », « c'est une question de survie ». « chacun sa merde ». Rien que ça… Fort heureusement, rassurez-vous la situation est loin d'être aussi désespérée, enfin bien moins que les intellectuels autoproclamés qui prêchent ces belles paroles. Nous ne sommes pas encore arrivés au point où nous devons choisir lequel de nos enfants passera à la casserole ce soir pour assurer la survie du reste de la famille. Nous n'avons pas non plus à faire à une invasion de zombies prêts à nous dévorer.

Ces arguments sont souvent accompagnés de chiffres vagues, volontairement lancés dans le vent pour choquer, apeurer et alarmer. Le lien entre le nombre d'individus et l'impact financier est facile à faire et en voyant la note « exorbitante » c'est encore plus facile de se révolter « comment ça je vais encore payer l'addition, en plus des taxes et des impôts ? ».

Le mécontentement, bien qu'excessif, semble légitime. Il faut cependant rappeler que, sortis du contexte, ces chiffres n'ont pas de valeur, ils n'expriment rien et n'expliquent finalement rien non plus. Par contre en les comparant, par exemple, avec le coût humain et financier des politiques sécuritaires mises en place pour entretenir notre « Forteresse » et ainsi protéger l'individu plus vertueux, plus unique, plus exceptionnel et plus indispensable que nous sommes tous (paradoxalement), nous parait-il toujours aussi excessifs ? Par rapport au nombre de migrants et de réfugiés absorbés par d'autres pays disposant de moyens moins importants ou encore par rapport aux salaires des ministres, députés, sénateurs ou hauts fonctionnaires qui guident nos pas vers la lumière, que représentent ces chiffres ?

Par ailleurs les constructions de nos belles nations ne se sont pas faites sur l'exploitation de leurs seules richesses nationales et encore moins par les seuls courage et ingéniosité des supposés natifs de ces pays. Les nations occidentales se sont d'abord enrichies grâce à la sueur de leurs peuples (que nous le voulions ou non, depuis toujours métissés et multiconfessionnels) mais surtout grâce à celle des « étrangers » parce que plus vulnérables, directement confrontés à l'impunité de l'expansionnisme et trop éloignés des droits et devoirs que nous impose notre morale.

Mais pour balayer toutes ces évidences, qui nous questionnent un petit peu trop, certains d'entre nous feront appel à l'ultime argument : la nature humaine. Interprétant donc les situations comme n’étant jamais le résultat de la reproduction d'erreurs mais toujours de la fatalité. Cela peu paraître n'être qu'une simple question de point de vue, « Ne jouons pas sur les mots, enfin ! ». Malheureusement dans bien des cas, confondre les causes peut être lourd de conséquences.

Remarquons que dans cette remarquable éloquence, la raison et le pragmatisme sont les otages de la rhétorique des plus pessimistes d'entre nous, fortement influencés par les fictions catastrophes hollywoodiennes et dans le cas des plus « élitistes », par de grandes théories populistes aussi abstraites qu'obscures, construites non pas sur l’étude objective des faits présents et historiques mais plutôt sur des suppositions, des croyances et des superstitions.

C'est en intriquant systématiquement les problèmes entre eux que naissent les amalgames. C'est en cultivant la peur plutôt que le sang froid qu'on renforce les déviances extrêmes. Et la qualité principale des hommes forts n'a jamais été la fermeté mais l'humilité, qui ne peut exister sans tolérance. Si aujourd'hui des opinions racistes, fascistes et sectaires pullulent au sein de toutes les couches de la société, contribuant à entretenir ce climat de chaos général, c'est en grande partie qu'elles ont été encouragées par le développement de noyaux émotionnels explosifs directement imputables à l'attitude irresponsable dont font preuve les deux grands organes démocratiques.

Ce n'est donc pas tant la difficulté du chantier qui les rebute pour agir et se concerter mais plutôt la peur de se confronter aux réactions d'un public qu'ils ont laissé, pour des raisons politiques et commerciales évidentes, dériver dans l'ignorance et la bêtise depuis de nombreuses années. Les exactions honteuses commises par quelques groupes les moins scrupuleux, les moins empathiques et les plus apeurés sont le résultat de leurs politiques ridicules, indignes des sociétés plus égalitaires et tolérantes que nous tentons de construire.

Mais trêve d'extrapolations et de bavardages, stoppons là notre critique, de peur de casser l'ambiance et de réduire la portée du bel élan de sympathie auquel nous assistons. Admettons tout de même que pour nous émouvoir suffisamment au point de déclencher une action de dimension collective, il faut nous montrer des horreurs et des abominations. Faute de mieux, j'invite donc les acteurs sociaux qui n'auraient pas déjà mis de côté leur éthique et leur modestie, à investir immédiatement dans un appareil photo afin de divulguer l'intimité la plus morbide des victimes du monde qu'ils côtoient, de diffuser ces photos aguicheuses afin de commander à nos concitoyens des actions et qui sait, peut être même un désir commun de participer à l'édification quotidienne de leurs sociétés.

Quentin R


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